Dix convictions qui peuvent fonder cette nouvelle stratégie
1. On ne peut accepter que le chômage baisse, sans que l’exclusion ne recule. Même si le nombre d’allocataires du RMI tend à diminuer, la part de la population française en situation de pauvreté demeure stable. Des catégories très larges de la population restent soit à l’extérieur du monde du travail, soit en lisière, soit encore en situation de précarité ou de pauvreté à l’intérieur même du monde du travail.
2. L’insertion n’est pas un coût, c’est un investissement. Le secteur de l’insertion n’est pas une dépense passive. C’est un investissement rentable et durable pour tout le monde. L’affirmer ne suffit pas à le démontrer, car l’insertion reste considérée comme une économie pour les uns mais comme un coût pour les autres. Il est néanmoins évident que toute personne ramenée dans le monde du travail, sur un emploi « normal », réduit les charges et rapporte à la collectivité. L’insertion, bien conduite et économe des deniers publics, contribue incontestablement à la croissance économique et à la cohésion sociale.
3. Le travail reste le premier instrument pour faire reculer l’exclusion. L’activité professionnelle, le cas échéant adaptée, aménagée, accompagnée, encadrée – mais une activité professionnelle quand même – est un pilier de la réalisation personnelle de chacun. Le travail n’est pas nécessairement la solution à tous les problèmes, mais l’absence d’activité professionnelle peut entraîner toute une série d’autres difficultés (logement, santé, dégradation de la vie sociale, etc.). Le retour à l’emploi pour tous doit donc constituer l’objectif essentiel des politiques et dispositifs d’insertion. Derrière l’idée fondatrice, énoncée régulièrement, de « réconcilier l’économique et le social », il faut voir la volonté de mieux articuler les politiques sociales avec les politiques d’emploi.
4. L’insertion n’est pas une mécanique parfaite. L’insertion, c’est avant tout un parcours individuel, qui ne peut être formaté de manière uniforme, avec des trajectoires parfaitement délimitées et des outils ajustés au plus grand nombre. L’insertion appelle certes de la rationalisation, mais elle nécessite toujours du temps, des tâtonnements, et parfois du recommencement et de l’obstination.
5. La distinction entre « employables » et « inemployables » ne peut fonder l’insertion. Tout le monde a une utilité et a vocation à occuper une place dans la société, qui peuvent être mises en valeur par une activité. Le constat d’inemployabilité totale ne peut être établi irrémédiablement pour personne. Dès lors, l’idée de quotas d’insertion, sur le modèle de ce qui a été mis en place pour les personnes handicapées, doit être rejetée.
6. La territorialisation des politiques d’insertion doit se poursuivre en se clarifiant. C’est à l’échelle des bassins d’emploi que les politiques d’insertion sont véritablement efficaces, socialement et économiquement. C’est à l’échelle des régions et des départements que la programmation des moyens et des politiques peut s’effectuer, en lien avec tous les opérateurs et autres financeurs. Des réformes d’ampleur doivent assurer une gouvernance claire et efficace de l’insertion.
7. L’accès de tous au service public de l’emploi doit être facilité. Ce que l’on désigne par politique d’insertion doit être rapproché, autant que faire se peut, des politiques génériques et universelles concernant actuellement ou potentiellement toute la population. Plus particulièrement, dans un contexte de profonde réforme du service public de l’emploi, l’ensemble des publics en insertion doit pouvoir avoir accès aux outils et à l’offre proposés à l’ensemble de la population en matière de politique de l’emploi.
8. Le contexte du marché de l’emploi devient favorable à l’insertion. Tout d’abord, il existe un important gisement d’offres d’emplois mal ou non satisfaites. Ensuite, les évolutions démographiques vont placer les entreprises, de façon croissante, en position de demandeurs sur le marché du travail. La loyauté et la continuité de la relation vont devenir, à côté de la compétence, un enjeu majeur de la gestion des ressources humaines. L’engagement des entreprises dans la responsabilité sociale devient un critère de choix pour les jeunes, davantage engagés dans des actions de solidarité. C’est une situation radicalement nouvelle pour les entreprises, qui sont appelées à se soucier toujours davantage de leur environnement. Ce retournement n’est en rien le seul fondement possible d’un développement des politiques d’insertion. Celles-ci, ancrées dans les politiques de lutte contre les exclusions et l’objectifs d’accès aux droits fondamentaux, relèvent d’un impératif de respect des droits, quelle que soit la situation économique ou démographique.
9. L’insertion peut devenir un atout économique. L’insertion est envisagée depuis une trentaine d’années comme une manière particulière d’atténuer les chocs du chômage. Territorialement, les dispositifs ont montré leurs capacités d’innovation et d’adaptation. Globalement, avec les transformations du marché de l’emploi et les mutations démographiques en cours, l’insertion peut devenir une voie de recrutement et de formation, et non plus seulement un service d’aide sociale pour les chômeurs non indemnisés. Si l’insertion ne se réforme pas et si on ne permet pas à ce secteur de s’étendre et se simplifier, on continuera à voir vivre cet étrange paradoxe qui fait coexister besoins massifs de main-d’œuvre et inactivité de masse, même chez les moins qualifiés.
10. L’insertion doit entrer dans l’ère de la performance et de l’évaluation. L’insertion peut être considérée comme un véritable investissement public, au même titre que l’éducation. Il convient donc de soumettre les dispositifs à évaluation et d’en choisir les formes les plus efficaces. L’évaluation est d’abord celle des dispositifs par les usagers. C’est aussi, plus globalement, celle des résultats atteints et des performances réalisées par les différents acteurs, opérateurs, financeurs et vecteurs de l’insertion. Plus largement, le recours aux outils modernes de l’action publique (évaluation, contractualisation, responsabilisation, expérimentation) doit accompagner, pour les politiques d’insertion, le passage d’une régulation administrative à une régulation contractuelle. Le changement consiste à passer de règles administratives et de critères très contraignants à une régulation contractuelle, dans laquelle les moyens budgétaires sont définis de manière plus globale, aux échelles territoriales, autour d’objectifs de résultat et de priorités.